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07 2019
La Cour de Cassation valide le barème des indemnités prud’homales
Est-ce la fin des débats ? Rien n’est sûr….Une fronde avait été lancée depuis plusieurs mois sous l’impulsion d’avocats défenseurs des salariés et des organisations syndicales qui, vent debout contre les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du Travail issues des ordonnances du 22 septembre 2017, considéraient que le barème ainsi institué était « inconventionnel ».
Grief était fait à ce texte qu’il ne respectait pas les dispositions internationales auxquelles la France avait adhéré, à savoir la Charte Sociale Européenne, et en particulier son article 24, et l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (celle-là même qui, autrefois, avait entrainé la chute du Contrat Nouvelle Embauche).
De nombreux Conseils de Prud’hommes avaient ainsi répondu favorablement à ces arguments (par exemple, Cons. prud’h. Troyes 13-12-2018 n°18/00036) en n’appliquant pas le barème de l’article L.1235-3, tandis que d’autres considéraient au contraire que ce texte était conforme aux exigences de ces conventions internationales (Cons. prud’h. Le Mans 26-9-2018 no 17/00538 : FRS 22/18 inf. 1 p. 2 – Cons. prud’h. Caen 18-12-2018 no 17/00193 : RJS 3/19 no 155).
Un Juge Départiteur avait quant à lui considéré le barème non-conforme et l’avait écarté au motif que le barème établi par l’article L.1235-3 du code du travail ne permettait pas dans tous les cas une indemnisation adéquate ou une réparation appropriée (Cons. Prud’h. Agen 5-2-2019 n°18/00049). A noter qu’ainsi, même les juges départiteurs n’étaient pas à l’unisson puisque la décision du Conseil de Prud’hommes de Caen du 18 décembre 2018 était également rendue en départage.
Récemment encore, alors que le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire juge le barème conforme aux textes internationaux (Cons. prud’h Saint-Nazaire 24-6-2019 n° 18/00105), celui de Longjumeau admet qu’il peut ne pas être appliqué lorsque le salarié apporte la preuve que le montant réel de son préjudice excède les plafonds qui y sont prévus (Cons. prud’h Longjumeau 14-6-2019 n° 18/00391).
Inutile de dire que la sécurité juridique souhaitée par les ordonnances du 22 septembre 2019, et l’article L.1235-3 du code du travail issu de la Loi n°2018-217 du 29 mars 2018, était devenue une incertitude majeure, et donc une source d’insécurité importante pour les entreprises.
La Cour de Cassation a logiquement été sollicitée, après que la Chancellerie ait tenté de « taper sur les doigts » des juges récalcitrants, leur rappelant la nécessité d’appliquer la Loi ! Rappel à l’ordre (et à la Loi !?!) qui n’a pas manqué de soulever une nouvelle vague d’indignation, notamment du Barreau.
Par avis du 17 juillet 2019 (avis n°15012 et 15013 rendus en Formation plénière) la Cour de Cassation se prononce sans ambiguïté sur la validité du texte et de son barème.
La Cour considère ainsi que les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne sont pas d’effet directe en droit interne dans un litige entre particuliers, la charte laissant au surplus une marge d’appréciation aux parties (aux Etats contractants) pour « s’assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait droit à un recours contre cette mesure devant un organe impartial », et ait droit à une réparation appropriée.
Concernant l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, la Cour indique qu’en mentionnant une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » pour réparer le préjudice su salarié injustement licencié, la Convention laisse ainsi également aux Etats une marge d’appréciation.
Partant, la législation Française prévoyant la possibilité de réintégration en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à défaut une indemnisation dans les limites de l’article L.1235-3 du code du travail, lequel est au surplus écarté en cas de nullité du licenciement, la Haute Cour considère que notre Droit est « compatible » avec la convention de l’OIT.
Fin de l’histoire ? Beaucoup le souhaitent. Les employeurs notamment !
Mais, la Cour de Justice de l’Union Européenne aura-t-elle son mot à dire, comme pour le barème Finlandais ? A suivre…